Il y avait en lui comme des petits ilots de gras que l'on aurait voulu gratter du bout de l'ongle. Telles des larmes de cholestérol d'une tristesse sans faim, gravées dans la chair d'un animal mort et recomposé d'une résurrection improbable, elles dessinaient sous tes yeux les méandres d'un chemin qui te tourne le dos. Ils se ressemblaient tous, vêtus de leurs habits de plastique et formant une ronde impersonnelle. Pourtant c'est lui que tu avais choisi. Lui seul que tu tenais au creux de ta main.
Tout ce que tu as perdu, il aurait pu l'être. Ce père que tu as trop bien connu. Ce frère à qui tu ne parle plus. Cet amant déchu que tu pleures entre deux régimes. Redonner sens à cette vie dont tu n'as plus rien à faire. Ses promesses chargées de mensonges t'enivraient déjà de plaisirs illusoires. Tu aurais voulu le serrer contre toi, calé entre tes seins fatigués de porter les restes de ta féminité. Tu lui aurais ouvert tes cuisses comme on enfonce une issue de secours. Rien qu'une dernières fois, entendre les battements de ton coeur.
Pourtant, tu l'as reposé. Tu n'as pas eu la force de l'emporter. Tu n'a même pas eu le courage de lui expliquer.
Déjà tu t'enfonces sous terre, perdue dans la masse grouillante des anonymes. Tu as du mal à respirer. Tu n'es qu'une composante de la puanteur qui t'encercle. Tu ne veux pas rentrer, mais tu n'as nulle part d'autre où aller. Tu ne sais même plus si c'est vraiment chez toi. Tu pourrais disparaître sans que jamais personne ne le remarque. Tu ne sais même plus si tu existes. Il ne te reste de lui qu'un souvenir qui s'efface. Et de toi, il ne reste rien.
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